Je vous écris d’une station service. De ma station service préférée d’Islande même, je crois. Ici, certains ont des cascades préférées, des plages de sable noir préférées, des montagnes des volcans des glaciers préférés. Moi j’adore cette station service, même si les hamburgers n’y sont pas assez cuits, le café trop cher et les cartes postales pareilles qu’ailleurs et souvent moins belles que mes photos (en toute objectivité bien sûr 😉 ). Bref, ce n’est qu’une station service. En plus je n’y ai jamais fait l’essence.
Par contre j’y ai pleuré fumé téléphoné mangé attendu un bus, des bus, j’ai vu la neige tomber à l’horizontale et des couchers de soleil et la neige tomber à l’horizontale mais dans l’autre sens cette fois-ci, merci le vent, toujours le vent. J’y ai passé des heures au téléphone parce que c’était chauffé, j’y ai fait du stop et ça n’a pas marché. J’y ai même fait des adieux, là, au milieu de l’allée, entre le présentoir de cartes routières « lost in iceland » et l’étagère des paquets de chips… Je n’ai rien fait que la morale réprouve dans les toilettes, mais c’est tout comme, tellement j’ai des souvenirs dans cette station service. J’y étais déjà passée l’année dernière lors de mon premier voyage en Islande, et sans préméditation, j’y suis revenue plusieurs fois en ce début d’hiver islandais, carrefour pour jouer à la roulette russe des destinations.
C’est en sortant de cette station service que j’ai passé un entretien d’embauche sous les aurores boréales. Entretien qui a abouti au volontariat que je viens de terminer, là, juste ce matin.
Deux mois et demi et beaucoup d’émotions après, me revoilà dans cette station service. J’ai débarqué avec mes sacs, une vraie veste d’hiver « prêtée » trois fois trop grande pour moi, et la lèvre inférieure boursouflée (oui, j’ai voulu faire un bisou d’au revoir à un cheval. J’ai eu un coup de boule. Voilà, ça me fera un souvenir pour quelques jours 🙂 ). Derrière moi, il y avait une matinée à regarder le vent et à attendre le feu vert « la route est ouverte » pour partir, à cause d’une tempête, encore. Derrière moi, il y avait les larmes d’un viking et des accolades qui serrent aussi la gorge. Derrière moi, il y avait un Noël à l’islandaise où on emmerde le père Noël, où les gens enlèvent leur bleus de travail doublé moumoute pour mettre des cravates ou des jolies robes (ou juste rester en pyjama, ma tenue la plus classe / propre actuellement), pour finalement s’offrir d’autres bleus de travail et des licols pour chevaux sauvages, des livres dédicacés en islandais et du savon à l’huile de vison… le tout avec le vent dehors, toujours, qui te fait penser à l’histoire des 3 petits cochons, et tu espères être dans la maison en brique. Derrière moi, aussi, je laissais un chef d’œuvre, « mon chef d’œuvre », et même si on est seulement deux personnes sur terre à le savoir, ça me suffit (parce qu’on ne reste pas à un endroit pour un cheval, même pour un qui compte. Ceux qui me connaissent savent que sinon, je serais encore en France). Bref, derrière moi, il y avait un paquet de choses sur lesquelles je n’ai pas fini de mettre des mots, si tant est que j’y arrive un jour.
Par contre, devant moi, à ce moment très précis, il n’y avait encore pas grand chose, mais bizarrement ça ne m’inquiétait pas plus que ça. A ce moment très précis, j’avais juste envie d’un hot dog, d’un café et d’un peu de bruit « de foule » pour me laisser le temps de me poser, moi, avant de me poser des questions de l’ordre du « bon, et maintenant, un pied devant l’autre on va où ? ».
Au lieu de ça, dans la station service, entre le présentoir de cartes routières « lost in iceland » et les chips, quelqu’un m’a appelé. Par mon prénom. En Islande… et en islandais. Je ne suis plus une anonyme, Sophie, ou plutôt Soffí, comme on l’écrit ici (avec un accent sur le i).
C’était un chouette moment. Peut-être que ça aurait pu arriver sur ma plage de sable noir préférée d’Islande (Jökulsárlón), devant mon volcan islandais préféré (Hekla), ma cascade favorite (Godafoss) ou le glacier islandais qui m’impressionne le plus (l’inaccessible Drangajoküll dans les fjords du nord ouest). Mais bon, c’était dans une station service.
J’AIME ton écriture.
J’aime.
Bon courage pour la suite !
Wouah. ça me fait chaud au coeur, merci Cécile 🙂
En fait je crois qu’il faut que j’écrive et publie « à chaud » même si mes pensées partent dans tous les sens, que j’arrête de garder mes articles en brouillon « à peaufiner », parce que comme mes réponses de mail que je ne veux pas bâcler, ça reste des brouillons qui se périment.
Pour la petite histoire, depuis l’écriture de ces lignes, la suite a été trouvée (j’ai le cul bordée de nouilles, ce pays est plein d’opportunités), je vais juste prendre un petit peu de temps à Reykjavik d’abord, pour les 40 000 raisons !
Pas mieux que Cécile !
C’est con à dire mais l’atmosphère des stations services dans les pays du Nord c’est un « truc » qu’on ne décrit pas, c’est un lieu de transition, que ce soit la pause dans un road trip, la pause du camionneur, la pause du Skibus. C’est un lieu de transition, de carrefour, la route continue Sophie et je suis sur qu’elle est encore pleine de surprises !
J’adore l’ambiance des stations service / snacks / arrêt de bus, encore plus en Islande qu’en Norvège d’ailleurs (j’ai pris plus de bateaux et de trains en Norvège 🙂 ). C’est justement ça, un lieu de passage, personne n’y reste mais y a « un truc », tu croises le regard des habitués des locaux, toi tu ne fais que passer, juste pour payer, juste un café, une correspondance… Je crois que je pourrais écrire un blog entier juste sur mes souvenirs de station service en Islande sérieux ! 😀
Et oui, je confirme, la route est pleine de surprises, à peine le temps de souffler et hop c’est reparti !
Merci pour vos encouragements, copains givrés !
Je confirme aussi. En Islande, j’adorais les stations service aussi. Le café chaud lorsqu’il vente dehors, ça n’a pas de prix. Lorsque mes parents sont venus me voir, j’avais insisté pour y passer, et ça les avait beaucoup étonné ! Mais effectivement, c’est très convivial je trouve. Ca me manque ces lieux 🙂
Voilà c’est ça, convivial. Le genre de mots (avec chaleureux) que je n’ai pas le droit d’employer sans que mes (anciens) collègues journalistes me tombent dessus, mais c’est ça.
Tu avais insisté pour y faire passer tes parents ? C’est bon ça ! Qd ma pote m’a rendu visite, on est resté des heures dans une station service du sud en plein « désert », la route bloquée à l’est et à l’ouest par la tempête de sable. Des heures à attendre, ben c’était trop bien :)Tu as une préférée aussi, histoire que je me sente moins folle ? 😉
Pas mieux non plus, j’adore ton écriture, ça me rappelle beaucoup de choses vécues au nord…
Et là je pense particulièrement à la station service de Kirkjubaejarklaustur, non pas pour la station en elle-même mais parce qu’en 3 mois d’Islande j’y suis passée et repassée, j’y ai pris un nombre incalculable de cafés, avec des gens différents, j’y ai fait du stop, je m’y suis posé des questions existentielles (à l’échelle de mon voyage…), etc…
Merci pour le moment de nostalgie 🙂
Enorme. Pour la petite histoire, c’est exactement dans cette station service, à Kirkjubaejarklaustur, qu’on avait été coincé toute une aprem avec ma pote pendant une tempête de sable en septembre dernier. J’y suis passée un paquet de fois aussi. Le fait que cet endroit soit « l’oasis au milieu du désert islandais » rajoute aussi beaucoup à l’ambiance je pense 🙂 Contente si ça te rappelle des (bons) souvenirs !
Au risque de répéter ce qui a déjà été très bien dit plus haut par d’autres, j’aime cette écriture pleine de spontanéité 🙂
Concernant les stations services en Islande (rapport à la conversation plus haut 😉 ), je n’ai jamais eu la chance d’expérimenter la chose mais en fait ce que tu décris m’a immédiatement fait pensé à un bouquin qui s’appelle « L’embellie », écrit par une islandaise (Audur Ava Olafsdottir). Je te copie-colle un résumé que j’ai trouvé sur un site : « C’est une handicapée de la vie, divorcée, sans enfant. Elle ne sait pas s’y prendre, ni avec les hommes, ni avec les gamins. Et la voilà partie dans un road movie hivernal sur la route circulaire d’Islande, avec un petit gamin sourd de 4 ans. Une épopée entre stations service, hôtels, fermes isolées, avant d’atterrir dans un bungalow perdu. »
Merci pour la référence (et les compliments, c’est encourageant!), je ne connaissais pas cette auteur, mais j’aime beaucoup la description !
Put…. j’ en ai les larmes aux yeux, et la chair d’ ampoule.
Continues ma soffi que je te lise encore…
Jvoulais pas te faire pleurer mais oui je vais continuer à écrire
Venant me perdre, ou me retrouver…, dans cette contrée dans un petit mois et pour un mois. J’ai hâte maintenant de découvrir ces lieux de passage et de vie que sont ces stations-services et qui risquent fort bien d’être des refuges salutaires par moments.
Et qui sait, au plaisir de croiser ton regard au détour d’une tasse de café chaud. 😉
Salut Sébastien, merci pour ton passage ici et bienvenue en Islande donc !
Se perdre ou se retrouver, je n’ai pas la réponse non plus 🙂
Hésite pas pour boire un café, en pleine saison touristique je ne suis pas dispo mais ce serait avec plaisir (j’adore rencontrer mes lecteurs!). Je suis basée à Reykjavik actuellement.
Bon voyage !
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