La groupie du plongeur

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Islande, Le jour où..., Rencontres sur la route, Reykjavik, Vis ma vie en Islande

J’y suis allée en mode groupie, comme d’autres iraient à un concert de Björk. Dans mon sac, une barre de nougat et de la crème de marrons, pour « les stars ». Il n’y avait pas de concert, bien sûr, juste un bateau sur le port, ce même bateau que j’ai vu de nombreuses fois en photos / vidéos, sur le site de l’expédition. Un voilier et « Under the pole » écrit en lettres noires sur les mats blancs dans le ciel gris islandais. Je savais que les explorateurs en route pour le Groenland étaient en Islande grâce à… une aurore boréale ! Une belle rouge qui avait agité tout Twitter un soir. L’équipage du bateau l’avait vu aussi.

Je me suis pointée un peu à l’improviste, j’avais déjà repéré que l’équipe était installée sur le ponton derrière Harpa, le bâtiment « graphique » / salle événementielle de Reykjavik. Je contourne la structure aux fenêtres multicolores, direction le petit phare jaune et le voilier en contrebas. Un homme descend la passerelle, ça ne peut être qu’un des membres de l’équipage, j’accélère le pas. Il s’agit de Loïc, qui sera ma « porte d’entrée », il me précède et m’aide à monter sur le bateau, le WHY. A l’intérieur, je rencontre Lucas, le photographe de l’expédition avec qui j’étais en contact sur facebook (merci les réseaux sociaux…). Je suis aux anges. Les 5 autres membres de l’équipage sont sortis, eux sont de « corvée repas », ils répondent à mes questions tout en coupant des carottes. Le bateau me paraît minuscule, mais je découvre à quel point tout est bien organisé. C’est plus ou moins la première fois que je monte sur un voilier, donc tout ou presque m’émerveille à l’intérieur. C’est Lucas qui me fait faire une « visite comme pour les enfants » (« regarde la cuisinière elle bouge » pour s’adapter à la houle). Il faut déplacer les chaussures et soulever le plancher pour prendre l’huile, mais il paraît que c’est sur tous les bateaux pareil. Ce qui n’est absolument pas pareil, c’est cette carte de l’océan arctique, collée sur les portes des chambres. Au plafond du carré (comprenez le « salon du bateau », la pièce à vivre au centre) sont suspendues les grosses montres techniques de plongée, juste à côté d’une autre carte, punaisée à l’envers, Groenland. Leur destination.

under the poleCar si on se rencontre en Islande, leur séjour dans le port de Reykjavik n’est qu’une escale, eux vont plus loin, plus à l’ouest, plus au nord, et aussi plus profond, car leur expédition a pour but de plonger sous la glace, banquise et icebergs. D’en ramener des échantillons à analyser, et des images à partager. D’ailleurs le caisson vidéo trône dans un coin, il y a encore des gouttes d’eau suite à la plongée test de l’après-midi, dans le port.

C’est difficile (pour moi) d’écrire sur des rencontres. Je n’ai pas l’intention de résumer quoi que ce soit. Une mini-interview (beaucoup plus professionnelle que cet article) des plongeurs polaires viendra bientôt. J’ai plus d’une heure de rush audio sur lequel on entend le couteau qui découpe les oignons. A titre personnel, ce que j’en retiendrai, moi, c’est plutôt le high five de Yann l’enthousiaste, mon « tu peux me passer le sel ? » à Ghislain, le chef d’expédition tout en zénitude, les blagues de Tonio, le capitaine (« Et comme dirait mon cheval, pffglpfjpfffglpf »), l’accueil de Lucas et Loïc, la détermination de Martin, la jeunesse d’Alexis… Parmi les membres présents en Islande, certains ont participé à la première expédition (qui a donné un film et un livre, « On a marché sous le pôle ») et à mes yeux (et dans le petit monde des passionnés d’Arctique), ces explorateurs de bout du monde sont de véritables stars. Je retiendrai aussi et surtout la simplicité avec laquelle ils m’ont accueillie à leur table, sous la carte du Groenland, au fond de leur joli voilier qui tanguait doucement dans le port de Reykjavik, leur gentillesse devant mes « j’y connais rien ni en navigation ni en plongée ». Ils m’ont même posé des questions, sur mon mini-voyage à moi, comment j’avais vécu l’hiver en Islande… Eux ont pour ambition de laisser leur bateau « se prendre » dans la glace pour un hivernage complet quelque part au nord du Groenland, la saison prochaine.

Forcément on a parlé Islande, Groenland, glaciers fjord des baleines icebergs (bleus et noirs), volcans comment ça se prononce et les îles là, tu y es déjà allé, j’ai appris un nouveau mot (vent catabatique, qui correspond bien à l’Islande…). On a abordé un peu le nerf de la guerre, l’argent, car ces hommes (et femmes, l’équipage sera complet au Groenland) se sont engagés avec passion dans une expédition qui, vu l’objectif ambitieux et la qualité des premiers rendus, devrait être professionnelle. Pourtant, ils ne sont que bénévoles, ça a été ma grande surprise de la soirée. Je crois que ça en a rajouté encore une couche à mon admiration, aussi.

Et puis il a fallu partir, en plus j’étais attendue ailleurs, je devais me lever à 6 heures pour prendre un bus, la vie quoi. Eux allaient attendre encore un peu leur fenêtre météo pour mettre le cap sur le Groenland. J’ai réajusté ma grosse parka tout en enseignant le « putain » islandais au capitaine du bateau qui a un rire si communicatif. Dehors il pleuvait. En remontant sur le pont du WHY par le petit escalier, je me suis agrippée au « truc métallique circulaire ». En bonne groupie digne de ce nom, j’ai laissé échapper à voix haute un « oh mon dieu j’ai la main sur le volant d’Under the pole ». Bon, sachez-le, « le volant » s’appelle la barre, comme m’a gentiment renseigné Ghislain en me raccompagnant sur le ponton.

under tht pole derrière harpa, à Reykjavik

Quelques jours plus tard, je retournais à Reykjavik. Je retournais sur le ponton. Derrière la salle de concert islandaise, le joli voilier blanc se balançait toujours, entre les rafales de neige grêle pluie (pendant qu’il fait 22 degrés d’un printemps polluant en France, je sais !). Trois des marins polaires étaient sur le pont du WHY et s’activaient à ranger.

-Vous partez ? Vous partez pour de bon ?
-Demain ! Demain matin !

J’étais contente pour eux. Même si égoïstement j’aurais bien voulu garder encore un peu mes stars « dans mon pays ». J’étais contente pour eux, même si je savais que ça n’allait pas être facile, cette traversée entre l’Islande et le Groenland, qu’ils le savaient aussi mais que leur objectif était au bout. Que leur objectif me faisait rêver. J’ai fait la groupie jusqu’au bout, je suis revenue le lendemain matin sur le ponton pour leur dire au revoir / regarder le bateau s’éloigner.

Et ils sont partis. Il n’y a plus de voilier amarré au ponton derrière le bâtiment aux fenêtres graphiques. Le lendemain de leur départ, la chanteuse Björk se produisait dans cette salle de concert de Reykjavik. Mais moi, j’avais déjà rencontré mes idoles.

http://www.underthepole.com/

Les membres d'Under the pole en escale en islande, dans l'attente d'une fenêtre météo pour mettre le cap sur le Groenland

7 thoughts on “La groupie du plongeur”

  1. Quel plaisir de lire cet article ! Je pense que j’aurais été autant groupie que toi dans pareille situation. Tu as eu de la chance de pouvoir partager ces petits moments avec ces passionnés. La vidéo que tu as publiée donne envie de rejoindre l’équipe, la plongée sous glace étant un petit rêve pour moi !

  2. Super bel article. Je suis contente qu’il y a des gens « groupies » comme toi pour cet expé dont j’ai ferais partie bientôt. Merci pour prendre les temps d’écrire cet article. Ton blog est top!

  3. Béatrice dit :

    Joli article de cette rencontre avec le WHY et avec cet œil de béotienne de la navigation, merci 😉

  4. Blob dit :

    Suis toute émue en lisant ça… nous aussi on est “groupies”… mais de Paris 🙂

  5. catou santucci dit :

    moi aussi , je suis toute émue en lisant cet article , et les connaissant tous je pense qu’ on les reconnait bien …
    Catou , la maman de Lucas .

  6. Amina dit :

    Encore un cadeau de ta bonne étoile! Continue de provoquer le destin, tes rencontres bouleversantes me redonnent goût en la nature humaine!

    « Voyage, tu découvriras le sens des choses et la valeur des hommes ». Proverbe arabe.

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