Merci pour cet hiver…

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Islande, Vis ma vie en Islande

Se souhaiter un « joyeux été » par températures négatives, ça semble paradoxal, non ? Et pourtant… merci l’Islande. Le premier jour de l’été est un jour tellement important en Islande qu’il est… férié. Notez au passage que le calendrier islandais ne fait pas état d’un quelconque printemps ni automne. Non non, deux saisons, et ça suffit bien. Plus que l’arrivée de l’été (neige et soleil dans la même journée… pas de quoi voir une différence avec les jours / semaines / mois précédents), j’ai ressenti cette date comme la fin de l’hiver, la dure saison, qu’on se doit de célébrer. On a survécu à l’hiver. On ne sait pas trop comment, mais on a survécu. D’ailleurs l’expression islandaise de « Gleðilegt sumar » (joyeux été) s’accompagne invariablement d’un « takk fyrir veturinn » = « merci pour cet hiver ». Dans un pays loin d’être à cheval sur les formules de politesse, j’ai envie de croire qu’on remercie pour leur soutien ceux qui nous ont entouré pendant l’hiver, genre « Grâce à toi je n’ai pas sombré dans une spirale de dépression solitaire au milieu de la nuit polaire où j’aurais fini dévoré par des moutons-trolls… j’ai survécu tu as survécu congratulons-nous tous en rond ». Bon, comme un inconnu dans l ascenseur, visiblement mon voisin de palier, m’a exprimé sa gratitude pour cet hiver, alors que c’était la première fois qu’on se croisait… disons que l’interprétation est libre 😉

Plus sérieusement pour cet hiver, j’ai envie de remercier… les aurores boréales. Cet hiver, j’ai pourtant beaucoup râler sur mes chasses infructueuses / frustrantes, à me geler pour rien, à fuir les lumières de la ville en vain, à bougonner comme une petite vieille « avant c’était mieux ». Forcément, l’année dernière je n’avais pas à fuir les lumières de la ville. Mais bon.

Et puis j’ai voulu faire du nettoyage sur mon disque dur où j’archive, patiemment, JPEG et RAW. En me disant qu’il y en a trop, des photos… (mais si un jour je dois retourner dans un bureau en face d’un ordinateur, au moins j’aurais des fonds d’écran pour le reste de ma vie) A farfouiller dans les dossiers pour faire du vide, je suis retombée sur mes instantanés d’aurores boréales. Et alors que les jours rallongent à vitesse grand V, que bientôt les étoiles ne seront plus visibles, sonnant la fin de la saison des lumières du nord pour laisser place au si envahissant soleil de minuit, j’ai réalisé que cet hiver avait été plutôt pas mal, côté cadeaux du ciel.

voir aurore boréale islande mars

Alors bien sûr il y a eu toutes les aurores boréales que je n’ai pas prises en photo. La toute première d’un de mes amis venus me rendre visite en novembre, d’un vert assez pâle mais à la danse très active, perdus qu’on était au fond d’un fjord, le nez en l’air une bière à la main au milieu de la route. Celle magnifique que j’ai vu depuis le dos d’un cheval. Celle sous laquelle on m’a proposé un boulot (deuxième fois que ça m’arrive, l’offre d’emploi sous aurore boréale. Assez kiffant, même si à chaque fois mon interlocuteur s’en battait la couenne comme une vache regardant passer un train). Et puis toutes celles qui m’ont surprise au volant, qui m’ont fait éteindre les phares et rouler imprudemment « à l’aveugle » dans le noir, les yeux fixant le ciel à travers le pare-brise plutôt que la route… (papa maman cette partie est bien sûr romancée c’est pas vrai je ne fais pas ça je suis une conductrice responsable) Celle qui m’a surprise à la sortie d’un tunnel de 7 km : il pleuvait d’un côté, ciel dégagé et « auroré » de l’autre 🙂 Toutes celles vues de la ville, que je n’ai pas daigné immortaliser.

Il y a eu celles vues dans le rétro, alors que j’étais en retard, elles étaient dans mon dos, il était 3 heures du matin et je travaillais le lendemain. Une photo à main levée dans le miroir du rétro, et au dodo.

aurore boreale islande mars rétroviseur

Il y a eu les inspirantes « viens, on va essayer de faire un truc avec la carcasse du vieux Massey Ferguson », les vues par la fenêtre de la chambre / de l’écurie. Il y a eu les glaciales les solitaires, il y a eu celles en talons hauts en sortant d’une soirée, celle juste d’avant d’aller manger la tête de mouton de Þorrablot, celles depuis le jacuzzi à la piscine publique, celles qui te surprennent en sortant du cinéma ou du supermarché, celle qui se reflète dans le fjord gelé où tu sais que la glace est suffisamment épaisse désormais pour traverser à cheval, celles où on s’allonge sur le capot pour avoir chaud au dos, les égoïstes vues depuis le balcon, celles que tu veux partager et te font envoyer un texto d’alerte à des amis vivant en Islande (avec pour réponse « ah nan ici il neige »).

aurore boreale au tracteur islande NOEL 2014Celle du Kp9 qui ont été vues jusqu’en Allemagne et France. Toi en Islande tu n’as pas eu du bleu, comme Léon en Laponie finlandaise, mais tu as vécu des heures démentes de spectacles à 360 degrés, où tu as arrêté de prendre des photos pour apprécier cette plénitude indescriptible de tournis panoramique « il n’y a que sous mes pieds qu’il n’y en a pas d’aurores boréales. » Celles de Noël, les psychédéliques, celles qui ont rivalisé avec la lumière de la pleine lune, celles le cul dans la neige, celles les pieds dans l’eau, celles où le vent terrestre était plus fort que le vent solaire et où il fallait trouver refuge dans un fossé pour pouvoir admirer tranquille… Oui, toutes celles-là.

Effectivement, merci pour cet hiver.

Christmas Northerm lights Iceland

(article écrit en avril 2015.
Heureusement, il y a des premiers jours de l’été tous les ans 🙂

3 thoughts on “Merci pour cet hiver…”

  1. Ahlala, ton récit me donne envie de te rejoindre ! Il y a des choses comme ça dont on ne se lasse pas, en auvergne, pour moi, c’était les volcans et les lézards. J’étais capable de tomber en admiration devant l’un d’entre eux, de penser encore une fois « que c’est beau », comme si c’était la première fois que j’en voyais un… alors qu’il n’y avait que ça ! 🙂

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