nuage nacré islande

Voeux 2018 : le nuage polaire nacré et la baie vitrée

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Blablablas, Islande, Nouvelles du front, Reykjavik, Vis ma vie en Islande

1er janvier 2018, 15:38.
Reykjavik, un bâtiment quelconque en front de mer.
1er étage. Cantine / salle de pause face à la baie vitrée. Exposition nord ouest face à l’océan.

Nous ne sommes que 5 dans le bâtiment où travaillent d’habitude plus de 200 personnes. Jour férié.
La salle de pause sent bon l’échalote, merci le tupperware des restes du réveillon. C’était un sacré tupperware, et sacrément bon réveillon. Animal social que je suis, je n’avais pas trop envie d’y aller au début. Devant mon tupperware de luxe, préparé sur fond sonore de feux d’artifice et dégusté dans le silence d’un immense bâtiment vide, je ne regrette pas.
Hier soir, entre feux d’artifice et décomptes de minuit (un à l’heure française l’autre à l’heure islandaise), spectateurs et acteurs d’un spectacle à la pyrotechnique aussi jubilatoire qu’aléatoire, les immigrés se faisaient des promesses. Comme quoi on ne fera jamais de réveillon ailleurs que sur cette île, que même si on devait partir d’Islande on reviendrait tous ici pour passer le 31 décembre à Reykjavik, tellement ce pays n’est à nul autre pareil quand il s’agit de laisser monsieur-tout-le-monde-et-surtout-toi-et-moi balancer des fusées da
ns les airs et s’émerveiller des éclats lumineux de la rive d’en face, en se disant qu’ils doivent avoir une belle vue de là-bas aussi.
Bref. Promesses d’un nouvel an, réflexions balancées en l’air comme un pétard de plus, les doigts gelés en moins. En creux dans nos exclamations, la possibilité, l’éventualité, la probabilité de partir d’Islande. Partir d’Islande. Le sujet n’a jamais été aussi présent autour de moi. Il y a ceux qui ne veulent pas partir mais qui y sont contraints. Ceux qui sont partis et le regrettent. Ceux qui s’apprêtent à partir dans quelques mois et commencent les allers-retours avec une valise vide au retour (pouvant prendre autant de ravitaillement de chocolat que souhaité), puisque c’est désormais dans l’autre sens qu’ils déménagent. Ceux qui y sont encore mais qui craignent, appréhendent, leur départ ou ceux d’un (très) proche. Ceux qui n’ont pas l’intention de partir mais qui regardent les autres / les statistiques et se demandent en quoi ils seront différents, sur le long terme, à ceux qui ne sont finalement pas restés.
La thématique du départ d’Islande / du retour en France m’a aussi été lancé au visage il y a quelques semaines de manière quasi quotidienne, après mon accident de cheval. Par les Français, d’abord, beaucoup croyant que j’allais rentrer pour me faire soigner sur le continent, ne réalisant pas que je cotise ici, en Islande, et point du tout en France, que mes soins et rééducations sont pris en charge « côté étranger » désormais. Et puis, il y a même eu les Islandais, qui eux aussi semblaient penser que j’allais quitter l’île à cause de ce coup dur qui m’éloignait pour de nombreux mois de mon « boulot de rêve islandais » (notez les guillemets, on y reviendra probablement un jour).

Je ne sais pas si c’est la codéine que je prenais à ce moment-là, mais tout ça a été très perturbant. Les questions des autres je veux dire, pas les miennes. Ça fait plus de 4 ans désormais que je vis en Islande, et en 4 ans il n’y a eu que 2 soirs où j’ai questionné ce choix d’expatriation, où j’ai eu des regrets. 2 petits soirs de déprime en 1580 jours plus ou moins, ce n’est pas un ratio trop effrayant.

Je dis pour rigoler que je suis désormais payée pour me faire insulter. Mon nouveau « boulot compatible avec des béquilles » consiste à assurer le service client d’un gros tour opérateur en Islande. Essentiellement par téléphone, et comme tout service clients, souvent pour des cas de gens « pas con-tents-pas-con-tents-pas-con-tents ».
On prend les emplois de bureau qu’on peut. Après tout, mes journées ont désormais une autre utilité que celle de tricoter des chaussettes (oui l’immobilisation a été difficile, on va pas se mentir). Mais la vérité c’est que j’aide aussi des gens. Ce soir, plus de mille personnes ont réservé un tour pour « voir les aurores boréales« . Alors, honnêtement, je ne recommanderais pas ces tours en bus alignés comme des moutons, car ça ne correspond pas du tout à ma façon de découvrir un pays. Mais je sais aussi que ça permet à certaines personnes de voyager, de sauter le pas pour un pays et/ou une organisation trop compliqué / effrayante pour eux. Ma mère en est le meilleur exemple, et elle a vue plus d’endroits que moi dans le monde. Vu le succès de la compagnie pour laquelle j’ai vendu mon âme je travaille, ma mère est loin d’être la seule à voyager ainsi.
Bref, aujourd’hui j’ai aidé des gens dans l´organisation de leur tour aurores boréales, et je me dis que grâce à moi, un peu, il seront émerveillés ce soir sous les lueurs vertes (J’espère vraiment qu’il y aura des aurores ce soir, pour eux et surtout pour moi, car sinon demain ils vont m’appeler et c’est là qu’ils risquent de m’insulter 😉 Peut-être même que certains posteront sur un réseau social quelque chose comme

« Quand les aurores boréales sont annoncés dès 19 h 30 un 1er janvier (…)
je me sens la fille la plus chanceuse du monde.(…)
Émerveillez-vous bordel. »

C’était mon statut facebook du 1er janvier 2014, mon premier réveillon en Islande, mes premiers feux d’artifice à Reykjavik.

Je finis ces lignes et ma pause déjeuner en face de la baie vitrée. L’île de Viðey, le départ du ferry, un petit phare à l’entrée du port. Il clignote vert dans l’alignement photogénique de l’île, son bâtiment historique et la montagne enneigée de l’autre côté de la baie,  C’est délicieusement bleuté et rosé, il y a juste ce phare qui clignote vert, en plein milieu, à côté de la tour de lumière de Yoko Ono qui va bientôt s’allumer comme tous les soirs en hommage à John Lennon. L’odeur des échalotes (gigot d’agneau-bière blanche) dans ce bâtiment immense et silencieux, presque juste pour moi. Je crois que c’est ça que j’aime, les grands espaces d’habitude si peuplés soudainement vides, comme un accès par les coulisses à l’un des plus beaux décors du monde, que viennent adorer par milliers des touristes mal organisés. Peu importe si la cheville boiteuse me cantonne pour l’instant à rester derrière la baie vitrée, je sais que ce soir je pourrais voir l’aurore boréale de mon balcon. Le phare clignote toujours derrière la baie vitrée dans la lumière qui descend, avec un tout petit peu de brouillard pour adoucir encore les tons pastels du coucher de soleil (alors 1) j’ai pris ma pause déjeuner super tard, et 2) le soleil se couche super tôt en ce moment).

Bref. 2017 a été très bizarre, professionnellement aux antipodes des ambitions que je croyais atteignables. Certains moments m’ont aussi fait l’effet du calme dans l’œil d’un cyclone : la tempête avant, la tempête après, le calme effrayant paralysant paralysé du milieu, du cœur mouvant de l’ouragan qui coince en son centre (moi, hyperactive ?).  Bref, arrêtons les plans sur la comète, et voyons où sera le feu vert pour les mois suivants.
Après un début de convalescence très difficile, il semblerait que la rééducation se passe mieux que prévu. Je remonte à cheval dans quelques jours (oui je ferai attention ! 10 minutes 2 fois par semaine pour commencer, qu’elle a dit la kiné. On est loin de la grosse dizaine de
 chevaux par jour d’avant l’accident, mais une chose à la fois… En attendant j’ai un salaire)
Bref, à suivre. Il faut bien payer son loyer n’est-ce pas ? 😉 À ce propos, (merci à tous ceux derrière leur écran qui ont hoché la tête) dans quelques jours paraîtra un article sponsorisé sur ce pitit-bloguinou. Ne me jugez pas, ça a payé la moitié du loyer, justement. (Et ça n enlève rien à mon jugement sur la qualité des excursions proposées, et non ce n’est même pas pour la compagnie pour laquelle je travaille 😉 .

Allez bonne année 🙂 Émerveillez-vous bordel, devant une baie vitrée ou un nuage nacré. En islandais, la formule consacrée rajoute « et merci pour l´an dernier ». Donc merci à ceux qui étaient là, à côté du lit d’hôpital ou au téléphone, à pousser le fauteuil roulant ou à faire mes courses / le taxi, pour les ravitaillements de médocs ou pour dessiner sur mon plâtre. Liste non-exhaustive.

Au fait, à propos du titre : un nuage nacré, aussi connu sous le nom de « nuage polaire stratosphérique », c’est un truc magnifique encore plus rare et bizarre qu’une aurore boréale. Alors ça n’a rien à voir avec ce texte, mais ça rime dans le titre, j’en ai vu un en 2017, et j’aime beaucoup cette photo 🙂

(pour ce qui me connaissent autrement que derrière un écran, ça aura pris presque 4 mois mais j’arrive de nouveau à écrire)

(Cadeau, une petite vidéo prise depuis la portière de la voiture, en béquilles, par un jour parfait de fin novembre, où Reykjavik hésitait entre soleil et neige)(bande son totalement optionnelle)

9 thoughts on “Voeux 2018 : le nuage polaire nacré et la baie vitrée”

  1. Marc Lebrun dit :

    Bonne année Sophie! Et surtout un rétablissement rapide pour que tu puisses refaire du cheval autant que tu en as envie!
    Marc Lebrun

  2. bastide.jean dit :

    Bonne et Heureuse Année et surtout que ta jambe aille mieux. Gros bisous de Marseille de Jean-Paul et Martine

  3. Bonne année Sophie et bon rétablissement ! Et merci pour le partage de ton expérience et ces images de cette magnifique terre qu’est l’Islande 🙂

  4. Belle année ! Je rêve d’aller en Islande et ton blog me permet d’être un peu là-bas 🙂 Merci pour ça !

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